Comme d’aucun parmi vous le savent, le 09 juin 2006, a été publié au Moniteur belge, la loi du 08 juin 2006 réglant « des activités économiques et individuelles avec des armes ».
Cette loi fait déjà l’objet de quelques textes, dont une circulaire explicative de 4 pages publiée le 09 juin 2006.
Je tenterai ultérieurement de revenir à cet ensemble de dispositions qui changent profondément la loi de 1933, même s’il existe une forme de régime transitoire par lequel il faudra toujours considérer « par défaut » les dispositions anciennes.
La lecture des nouvelles dispositions qui comportent 49 articles, apprendra par l’article 43 nouveau que l’article premier bis de la loi du 29 juillet 1934 interdisant les milices privées, est remplacée par de nouvelles dispositions.
Ainsi, le nouvel article dispose :
« Sont aussi interdites :
1° les exhibitions en public de particuliers en groupes qui, soit par les exercices auxquels ils se livrent, soit par l’uniforme ou les pièces d’équipement qu’ils portent, ont l’apparence de troupes militaires ;
2° la tenue de ou la participation à des exercices collectifs, avec ou sans armes, destinés à apprendre l’utilisation de la violence à des particuliers.
La disposition visée à l’alinéa premier n’est pas applicable aux exercices qui sont exclusivement exécutés dans le cadre d’un sport reconnu par les Communautés, ni aux organismes de formation agréés à cet effet dans le cadre de la loi réglementant la sécurité privée et particulière.
La disposition visée à l’alinéa premier, 1°, ne s’applique pas aux groupes qui poursuivent exclusivement un but charitable ».
Ainsi, le législateur belge a-t-il voulu renforcer un peu plus ses moyens légaux contre des organismes paramilitaires.
D’aucun feront remarquer que les milices privées ne semblent pas à proprement parler d’une actualité brûlante. Cependant, gouverner, c’est prévoir.
Le commentaire de l’article pose plusieurs problèmes.
Si l’on s’en tient au texte, l’alinéa 1 ne connaît d’exception que lorsque le « groupement » aurait un but charitable.
C’est ainsi qu’à ma connaissance, et pour la première fois en droit belge, le Code Pénal s’intéresse à la charité des gens.
Cette haute valeur morale doit-elle être comprise au sens religieux, et si oui, quelle religion a la faveur de l’Etat, ou à un sens commun, tel que repris dans le Robert, voire le Larousse ?
Il n’en demeure pas moins vrai que cet alinéa premier prohibe de droit l’ensemble des marches de l’entre Sambre et Meuse, les reconstitutions historiques médiévales, les fêtes en uniforme du débarquement de 1944, ou encore les mémoriaux et démonstrations faits à l’occasion du 11 novembre.
En effet, il ne peut pas être dit sérieusement que les marches napoléoniennes ont un but charitable ; elles ont peut-être un but folklorique, un but ludique, un but historique, mais très certainement pas d’apporter la charité au monde. L’Empereur lui-même n’avait pas cette prétention. De même, la reconstitution de la bataille de Waterloo, qui appelle des « marcheurs » du monde entier, me semble maintenant totalement prohibée, d’autant plus qu’à cette occasion, non seulement des armes sont portées (armes à feu, armes blanches) par des personnes en uniforme, structurées, selon une autorité quasi militaire, mais en outre lesdites armes à feu, en ce compris les armes lourdes comme les canons, sont utilisées à l’occasion de ces démonstrations.
Il me semble, dès lors, que tombent sous le coup de la nouvelle loi, les commémorations faites à Bastogne, les combats médiévaux faits à Bouillon, les marches de la Madeleine, de Saint-Roch et autres, les concentrations de véhicules de la guerre 1940-1945, ainsi évidemment que ceux de 1914-1918, les rassemblements scouts et autres groupuscules de jeunes portant un quelconque uniforme.
Evidemment, on pourra toujours dire que les commémorations en uniforme de 1944 sont relatives à de l’expression de la charité américaine à l’égard de l’Europe, mais que fera-t-on pour Godefroid de Bouillon sans risquer un incident diplomatique majeur avec le monde musulman ??? Faut-il motiver un peu plus Al Qu’Aïda ?
La deuxième disposition de cet article est encore un peu plus surprenante.
On l’aura déjà compris, l’exception de la « charité » n’y est pas visée, en manière telle que nos amis les Templiers, s’ils n’avaient pas servi de combustible à une époque lointaine, se verraient poursuivables immédiatement.
Le but semble être de condamner l’ensemble des exercices collectifs, avec ou sans armes, destinés à apprendre l’utilisation de la violence à des particuliers.
Je comprends, dès lors, que l’ensemble des clubs de judo, jujitsus, karaté et autres sports olympiques viennent d’être relégués et assimilés au cercle très fermé d’entraînement de mafieux russes ou des triades chinoises.
Le caractère « sport olympique » des disciplines n’y change absolument rien, et le fait qu’il n’y ait pas d’arme n’est visé par aucune exception bien évidemment.
De même en est-il plus sûrement encore de l’ensemble des clubs d’escrime qui, eux, ont en outre volonté d’apprendre le maniement d’une arme certes dite blanche, mais arme au sens de la loi du 08 juin 2006, en manière telle que notre confrère, Maître François CHARLIER m’a dit tout dernièrement vouloir s’expatrier en Angleterre pour pouvoir continuer l’exercice de son noble sport.
De droit, tout le monde l’aura compris encore, tout ce qui est lutte, boxe, catch, tir à l’arc, fleuret, épée, sabre, kendo sont totalement interdits en Belgique.
Bien sûr, il existe la disposition visée à l’alinéa 3 relative aux sports reconnus par les Communautés, ce qui semble pouvoir rassurer Maître CHARLIER dans un premier temps, mais on me permettra de penser qu’à défaut de vider cette disposition particulière de sa substance, ce ne sera pas le sport qui devra être reconnu par la Communauté, mais le club tout entier.
Ceci impliquera nécessairement des contrôles et des contrôleurs.
Je recommande donc à tous les parents qui ont des enfants qui font un sport dit de combat de les inscrire immédiatement au cours de danse classique le plus proche, et si ceux-ci habitent dans l’entre Sambre et Meuse, de leur expliquer que la prochaine marche commémorative se fera en tutu rose avec écrit dans le dos « Je suis charitable »
Yves DEMANET
Avocat