Je ne sais pas souhaiter les anniversaires, je ne sais pas ce qu’il faut dire, à part les banalités. Rien ne me paraît plus stupide que cette ambiance convenue, cette fête forcée à un jour prédéterminé de l’année, ce parfum de bouillon recuit aux relents avariés de déjà-vu.
Et pour tout dire, je me moque des anniversaires qui nous rappellent de manière assez choquante que nous ne sommes que le fruit d’une copulation animale. C’est d’autant plus écœurant que cela vient de nos parents ; il y a quelque chose d’incestueusement dégoûtant à fêter son anniversaire, quelque chose d’ignoblement « voyeur-à-rebours ».
Et puis on mange mal, on voit des gens à qui il faut sourire et on fait des bises à des personnes qui ont l’herpès et autres maladies contagieuses, sans parler de ceux et celles venus se réjouir de l’évolution des rides, de l’affaissement des masses et de la progression inéluctable de la perte capillaire.
On entend des phrases tellement creuses, tellement attendues qu’elles glaceraient la rencontre la plus torride d’un club de nymphomanes avec l’association des boulimiques du viagra.
On y évoque des souvenirs mille fois corrigés à la sauce marseillaise quand on ne vous parle pas d’anciennes prouesses avec votre ex. devant votre actuelle ! Question de se rappeler le bon temps et de mettre définitivement de l’ambiance.
On reçoit des cadeaux stupides et on est obligé de dire merci à des crétins qui refilent ce qu’ils ont eux-mêmes reçu l’année précédente, et quand on reçoit une bouteille de vin, sa formule chimique en condamne l’usage exclusif au détartrage des WC, sans parler de l’immonde cravate que, contraint et forcé, vous ne passerez que pour l’occasion et qui rendrait suicidaire un caméléon schizophrène.
Cerise sur le gâteau, Il y a toujours bien un aïeul faussement attendri qui sort un album de photos vous montrant dans l’accoutrement le plus débile à une fête scolaire, ou raconte l’anecdote « tellement charmante », dont l’avanie traumatisante commençait enfin à s’estomper au bout de 22 ans et demi de psychanalyse.
Je hais les anniversaires qui nous rappellent qu’on se rapproche du home, des couche-culottes et de l’infirmier noir priampismique et gérontophile, que nos enfants nous oublieront, sauf pour venir percevoir notre pension, et qu’on devra mâcher des aliments prédigérés sans goût et sans sel, sous prétexte de nous conserver un peu plus longtemps, qu’on sera obligé de regarder TF1 et la roue de la fortune, que la seule boisson alcoolisée sera le sirop contre la toux et que notre seul stress sera de ne pas mouiller le lit…
Je vomis les anniversaires dont l’accumulation est le plus féroce des réquisitoires et la promesse certaine de lendemains qui déchantent.
Je déteste les anniversaire, et d’ailleurs, moi, j’ai mil ans, j’ai déjà vécu tellement de vies que je ne les compte plus et que j’emmerde les anniversaires.
Alors, à tous ceux et celles qui auront nécessairement leur anniversaire, je souhaite un non-anniversaire.
Na!
Yves Demanet
Avocat