Codeca - Avocats et associés

Conseil aux particuliers et entreprises

Contactez-nous :
+32 71/59.16.70

Eloge de la Confidence

L’article 458 du Code Pénal érige en sanction le fait de dire ce qui ne peut être révélé.

L’article 385 du Code Pénal punit celui qui montre ce qui ne peut l’être.

L’article 62 de la Constitution garanti l’expression politique par le secret du vote.

Les articles 116 et 118 du Code Pénal consacrent le secret militaire.

L’article 460 du Code Pénal protège l’écrit postal.

L’article 601 du C.In.Crim garantit le droit à la discrétion face au passé judiciaire

Les articles 22 de la Constitution et 8 de la Convention européenne sacralisent le respect de la vie privée.

Et puis il y a cet énoncé, ce pseudo- truisme d’une bêtise à faire braire un âne de bois : « Vive la transparence ! Seuls ceux qui ont quelque chose à cacher, ont à craindre ! »

Tout doit être dit, tout doit être su, tout doit être nu : ce qui est caché est suspect voire crime en lui-même.

Ce rend-t-on compte qu’ainsi l’on cite les principes les plus extrêmes des totalitarismes les plus absolus ! Voit-on que la liberté de conscience, autre droit constitutionnel, y est plus grandement menacé encore ? Ce principe de « transparence » est une ineptie exhibitionniste et liberticide.

Un peu de bon sens. Tout doit être connu, tout doit être dit ? Plus de confidentialité des lettres (46 ter C.In.Crim.), plus de secrets professionnels (458 du CP), plus de vie privée. Que l’on pousse alors jusqu’à l’ultime l’efficacité de ce beau principe. Il me parait urgent d’installer des caméras dans toutes les maisons et appartements, partout et en tous lieux y compris et surtout dans les salles de bains et les chambres. Il suffira d’y adjoindre les algorithmes nécessaires et bon nombre de crimes seront facilement résolus tandis que les secours pourront répondre au plus vite aux accidents domestiques. Il me parait aussi que l’employeur est en droit d’exiger le dossier médical de son employé et savoir tout sur sa vie professionnelle ( 54 et de 100/9 du Code Pénal Social) , que les AG et les CA des intercommunales, des sociétés doivent être diffusés, que la sacrosainte « société civile » (autre concept auto-justifiant, creux comme une bulle de savon qui a remplacé le « Au nom du Roy » et « Dieu le veut » !) doit avoir accès aussi aux délibérés des Juges, aux dossiers à l’instruction ( 28 quinquies et 57 du C. In.Crim.) ou information, aux secrets de fabrication des fois qu’il y aurait risque pour le consommateur-citoyen (309 du C.P.). Bref la transparence de tout pour tous et tout le temps. Tout sur Internet, en ligne et de manière permanente.

On en est loin ? Pas si certain. Actuellement, il suffit qu’un texte de loi commence par « Pour lutter contre le terrorisme et le réchauffement climatique, … » et tout passe !

Reprenons. Vive le vote électronique de chez soi avec la carte d’identité ! Publions les casiers judiciaires et les déclarations d’impôt sur le net (fin de 464/1 du C.In.Crim.) . Pourquoi ne pas filmer le délibéré des juges ? On éviterait les collusions et les fainéantises. Pourquoi ne pas diffuser les consultations médicales, on éviterait les gestes déplacés et les erreurs seraient enfin établies . Pourquoi ne pas mettre sur facebook les consultations d’avocat en Cabinet ? On éviterait les conseils malhonnêtes, l’Ordre pourrait sanctionner les incompétents et on éduquerait les masses. Pourquoi ne pas filmer dans les toilettes ? On pourrait répondre à un malaise…une seule personne sauvée par an, justifie à suffisance cette petite entorse à une pudeur qui n’est que culturelle. Appliquons le « Principe de Précaution »… Qui est contre ?

Mais « On a le droit de savoir ! ». Voilà le frère jumeau dégénéré (« décadent » dirait M.Onfray) de cette folie. Tout savoir emporte une responsabilité dit le philosophe. L’a-t-on oublié ? Et puis savoir quoi ? Comment faire du cyanure avec des cerises ou une bombe avec un néon ? Comme droguer avec du coquelicot ou tuer avec du muguet ? Comment empoisonner un château d’eau ou entendre les cris des victimes de pédophiles… pour « se rendre compte » comme plaidait un avocat liégeois ? Savoir combien de fois le mari a fracassé son épouse, l’associé trompé son double, le kiné violé sa patiente ? Savoir quoi et pourquoi ??? Juste savoir car « j’ai le droit ! ». Onthologiquement.  Et bien non ! Il nous faut dire non et refuser cette pornographie du vécu. Le savoir est une responsabilité qui ne peut se limiter à un droit de voyeur. Ce savoir ne se confond pas avec la Connaissance qui est un droit universel. Ce « savoir » est contingenté par la légitimité de la nécessité. A défaut, la vie privée est vide de sens, le voyeurisme une référence morale et la discrétion une culpabilité.

Mais, au nom de la Sécurité Publique ? Et bien c’est en son nom que les pires crimes ont été commis ; l’Histoire nous le dit. Tuer la Liberté pour la Sécurité…certes ! A quoi sert alors la Sécurité ??? Comme l’idée d’implanter une puce dans le bras….(1) ou de la géolocalisation des élèves.

Et celui qui est contre… et bien il a de mauvaises pensées et « Il se sait coupable ! » comme dit l’Inquisiteur dans les Visiteurs !!! Cela fit rire, c’est devenu dangereusement actuel.

On en est là ??? Vraiment ???

A-t-on tout oublié ?  A-t-on oublié que l’amour lorsqu’il est publique, porte un autre nom ? Que le désespoir n’a jamais réponse dans une foule ? Que la maladie peut être une blessure intime ? Que ma vie d’adulte ne rend compte qu’à trois personnes au plus : moi, mon juge et mon dieu si j’y crois ce qui est encore mon choix. Qu’au pied de la guillotine, les rires des tricoteuses ajoutaient au supplice. Que la mort d’un enfant, le viol d’un humain et l’exécution d’un condamné n’est jamais jamais un spectacle, parfois un réquisitoire, toujours une honte. Que la pudeur, le silence, la confiance, les sentiments, le doute, le conseil nécessitent, pour exister, la confidence.

On va lutter contre le terrorisme ! La belle affaire ! Comme on déclarait autrefois lutter contre les œuvres du Malin, de la 5° colonne ou des corrupteurs de la vraie foi ou…du réchauffement climatique.

Ce n’est pas parce qu’il est civil et laïc que cet axiome incantatoire de « transparence » est moins dangereux.  Ainsi, la suppression des secrets professionnels est-elle si pas à l’ordre du jour au moins dans l’actualité de la pensée acceptable, avant de devenir acceptée. Méfiance ! D’aucun se souviendront que les avocats, pour ne parler que de nous, ont déjà connu cela. C’était notamment en DDR, il n’y a pas si longtemps. Pour être avocat, il fallait prêter allégeance à la Stasi. Que les oublieux aillent voir sur Wikipédia ce que cela impliquait ! Dès lors, plus personne ne faisait confiance aux porteurs de Toge … tout simplement. La DDR disparu en 1989, la leçon est oubliée.

Je dis que quelqu’un de transparent est… inexistant. L’ectoplasme numérisé est un crime contre l’Humanité, contre sa nature, contre sa Liberté, contre son existence et que « celui qui suit le troupeau se comporte comme un veau ».

La transparence est comme toute chose, son excès est totalitaire.

Yves Demanet
Avocat

(1) « Et après ? Un gazomètre au cul peut-être ? » dixit le Vice –Bâtonnier PE CORNIL.