Ce 17 mars 2010, a été publié au Moniteur belge, un arrêté ministériel daté du 11/03/2010 intitulé : « Arrêté ministériel plaçant parmi les armes prohibées certains accessoires d’armes à feu ».
Cette nouvelle réglementation serait, si je compte bien, le trente-sixième texte depuis la loi du 08 juin 2006, et comporte deux articles.
L’article 1 dispose : « Les accessoires, à l’exception des crosses courantes, donnant à une arme à feu de poing certaines caractéristiques extérieures et propriétés techniques d’une arme à feu d’épaule, ainsi que les armes à feu équipées de ceux-ci, sont classées parmi les armes prohibées ».
L’article 2 précise : « Le présent arrêté entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge ».
Cet arrêté ministériel est pris en application de l’article 3 § 1, 16 de la loi du 08/06/2006 modifiée par la loi du 25 juillet 2008.
Cet arrêté ministériel pose plusieurs problèmes d’ordre à la fois juridique et technique.
D’un point de vue juridique, il est curieux que le pouvoir exécutif modifie une nouvelle fois la loi du 08/06/2006 par le biais d’un arrêté ministériel classant en catégorie prohibée, un ensemble d’accessoires fort peu définis.
Pour justifier cette exception au principe législatif et modifier ainsi la loi par un simple arrêté ministériel, l’exécutif se fonde sur les dispositions de l’article 3 § 1 16 de la loi du 08/06/2006.
Cette disposition était rédigée à l’origine, pour permettre au Ministre de la Justice ET de l’Intérieur, de classer en armes prohibées : « les engins, armes et munitions […] qui peuvent constituer un grave danger pour la sécurité publique […] ».
La loi du 25.07.2008, telle que publiée au Moniteur, le 22.08.2008, a modifié le critère de grave danger en précisant : « Danger grave et nouveau ».
La possibilité pour deux Ministres identifiés dans la loi comme étant ceux nécessairement de la Justice et de l’Intérieur, d’étendre la catégorie des armes, munitions et engins prohibés par un simple arrêté ministériel, a déjà fait l’objet d’une décision de la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 19.12.2007 numéroté 154/2007 (arrêt n° 154/2007.B.22.1 et suivant – page 38 et suivantes).
La Cour répondait sur l’inconstitutionnalité de cette disposition en rejetant le recours, mais en précisant cependant les limites strictes de cette faculté accordée aux deux Ministres agissant conjointement.
Ainsi, la Cour précisait en point B.22.4 : « Le principe de légalité en matière pénale ne va pas jusqu’à obliger le législateur a arrêter lui-même chaque aspect de l’infraction. Une délégation conférée à un autre pouvoir n’est pas contraire à ce principe pour autant que l’habilitation soit définie de manière suffisamment précise et porte sur l’exécution de mesures, dont les éléments essentiels sont fixés préalablement par le législateur. ».
La Cour poursuivait (idem opsit B.22.5) : « La disposition attaquée vise à permettre que la liste des armes prohibées soit rapidement actualisée, lors de l’apparition de nouveaux modèles, susceptibles de constituer un grave danger pour la sécurité publique, et qui par définition ne pouvait être appréhendé par le législateur au moment de l’adoption de la loi sur les armes.
Le législateur a fixé lui-même à l’article 8 de la loi attaquée les actes pénalement répréhensibles, lorsqu’ils sont relatifs à des armes prohibées. En outre, les articles 23 à 25 de la même loi déterminent les peines applicables en cas d’infraction à cette disposition ».
La Cour concluait, dès lors, en ces termes (idem opsit B.22.6) : « dès lors que le législateur a précisé lui-même l’objectif et les limites dans lesquels l’habilitation attaquée a été accordée, ainsi que les comportements jugés infractionnels, les composantes essentielles de l’incrimination ont été fixées par la loi, et il est de ce fait, satisfait au principe de légalité contenu à l’article 12 alinéa 2 de la Constitution ».
Cependant, la Cour émettait une réserve sous forme de vœu et renvoie la problématique au Juge, et précisait ainsi sa position finale (idem opsit B.22.7) : « Pour le surplus, il appartiendra au Ministre de la Justice et de l’Intérieur de justifier adéquatement la classification de nouveaux engins, armes ou munitions, dans la catégorie des armes prohibées, et au Juge compétent de déterminer s’ils ont respecté les limites de l’habilitation qui leur a été conférées par le législateur ».
L’arrêté ministériel du 11/03/2006 a expressément visé l’urgence et a évité ainsi tout contrôle du Conseil d’état et toute possibilité d’interrogation sur la justification de la nouvelle classification imposée à cet arrêté ministériel.
Toujours au point de vue de la légalité de cet arrêté ministériel, l’urgence évoquée en elle-même n’est pas autrement justifiée que par l’énonciation de ce que les accessoires concernés doivent être prohibés avant qu’ils n’apparaissent « […] partout dans le commerce d’armes de notre pays et tombe ainsi librement entre les mains de simples particuliers ».
Il est en outre fait référence au commerce par internet et à la publicité pour ses accessoires, dont il est dit qu’ils sont déjà vendus dans des bourses d’armes internationales dans les pays avoisinant.
Ici encore, on voit mal en quoi il y aurait une certaine urgence, puisque d’une part, il y a une prohibition générale de vente d’armes par internet, au sens de la loi du 08/06/2006, et d’autre part on perçoit mal en quoi une législation a fortiori créée par arrêté ministériel puisse interagir sur le commerce d’armes dans les pays limitrophes !
Reste la problématique du champ d’application de l’exception de l’article 3§ 1 point 16 de la Loi du 08 juin 2006, en ce que cette disposition permet aux deux ministres d’étendre la catégorie des objets prohibés au sens de la loi du 08 juin 2006 à des « engins, armes et munitions ». La question apparaît évidente : des accessoires non visés par la Loi du 08 juin 2006 et qui ne sont à l’évidence ni des « engins », ni des « armes », ni des « munitions », peuvent-ils être objet juridique d’un arrêté ministériel pris en application de l’exception de l’article 3§ 1 point 16 ? A mon sens, la réponse est négative. Elle l’est à l’évidence pour les termes « arme » et « munition » qui ne peuvent être assimilés à des « accessoires ». En ce qui concerne la notion d’ « engin » , il semble que le législateur ait considéré un objet qui, comme tel et en soi en son intégralité, puisse constituer un danger comparable à une arme ou à un munition et non pas un « accessoire », terme repris dans l’arrêté ministériel. Par l’indication de l’exception des crosses courantes, il semble que l’on parle bien de quelque chose de complémentaire à un objet principal. L’ « accessoire », comme rappelé ci-après, est par ailleurs considéré dans plusieurs dispositions de la Loi du 08 juin 2006, notamment en son article 33. Si l’on considère, dès lors, que l’arrêté ministériel modifie la Loi de 2006, hors les limites strictes de l’exception du point 16, alors il y a violation de la hiérarchie des normes.
Plus avant encore, cet arrêté ministériel pose manifestement des problèmes d’application. Ainsi, le seul article qu’il comporte réellement, vise des accessoires sans qu’il y ait la moindre énumération, si ce n’est une exception faite à « des crosses courantes », sans que cette notion ne soit définie par la loi du 08/06/2006 et sans que cette notion ne soit comprise par un sens commun partagé par les citoyens.
Ces accessoires sont censés être prohibés parce qu’ils donneraient à une arme à feu de poing « certaines caractéristiques extérieures et propriétés techniques d’une arme à feu d’épaule ». Outre que les notions d’armes de poing et d’armes d’épaule aient été supprimées dans la loi du 08/06/2006, on voit mal comment appréhender objectivement ce qu’il faut qualifier de « certaines caractéristiques extérieures », et l’on voit mal ce qu’il faut comprendre par « propriétés techniques » d’une arme à feu d’épaule.
Dans ses considérants, le Législateur parle de « transformer un pistolet en arme à feu longue avec l’aspect et certaines propriétés d’une carabine d’assaut ».
Là encore, puisqu’il n’existe pas, par définition, de travaux parlementaires pour un arrêté ministériel, on voit mal quel est l’objet de la transformation, si ce n’est un allongement de l’arme et une modification de son aspect. Est-ce à dire que toute modification d’une arme de poing tombe sur l’arrêté ministériel ? Manifestement, ce n’est pas le cas, puisqu’il y a l’exception des crosses courantes non autrement définies et la limite de « certaines propriétés techniques ».
Faudrait-il alors considérer qu’un canon plus long, une glissière plus longue ou une culasse modifiée serait visée par l’arrêté ministériel ? Là encore, la réponse ne peut être que négative, puisque ces pièces d’armes sont déjà soumises par la loi du 08/06/2006, telle que modifiée par la loi du 25.07.2008, au régime de l’arme elle-même, et nécessitent, dès lors, à la fois un contrôle du banc d’épreuves et une autorisation d’acquisition.
Que semble donc viser cet arrêté ministériel ? On se perd en conjoncture tant les définitions n’existent pas, si ce n’est qu’il semble que la modification de l’aspect général soit un critère et que le législateur, par un curieux volte-face, semble maintenant considérer les armes de poing comme moins dangereuses que les armes d’épaule, alors que depuis la loi de 1933 jusqu’à cet arrêté ministériel du 11.03.2010, tous les législateurs successifs ont toujours considéré que l’arme de poing devait être considéré comme plus dangereuse que l’arme d’épaule, puisque celle-ci pouvait plus aisément se dissimuler.
On se perd en doutes et en questions face à l’imprécision des critères de prohibition et pour en relever certains, l’on peut se demander ce qui sera qualifié de « crosse courante », quelle définition donnera-t-on de « certaines caractéristiques extérieures » et qui qualifiera « les propriétés techniques d’une arme à feu d’épaule ».
Si l’on se fonde sur cette dernière question, le législateur a déjà défini ce qu’était une arme à feu « longue » en prenant un critère simple de longueur, soit 60 cm. Le critère de 60 cm était propre à l’ancienne législation, antérieure à la loi du 08/06/2006 et repris à l’article 2 point 10 (« armes longues » : armes dont la longueur du canon est supérieure à 30 cm ou dont la longueur totale est supérieure à 60 cm).
Ici encore, comme dans d’autres dispositions prises depuis le 08/06/2006, on « rattrape » les anciens critères balayés par la loi du 08/06/2006, en les réimplantant dans la nouvelle législation, ce qui amène très certainement une confusion, notamment entre les notions d’armes d’épaule de la loi de 1933 et d’armes longues de la loi de 2006.
L’exception des crosses courantes en soi présente une difficulté de définition et semble faire écho à un ensemble d’armes de poing bien connus des collectionneurs qui comportent d’origine une possibilité d’adjonction de crosses.
La multiplicité de celles-ci empêche d’en faire une énumération complète. Les plus connues sont le pistolet Mauser C96, les pistolets Luger P08, le FN Browning GP35, le Lahti ou encore le Nambu, voir certains Colt 45, modèle 1911.
Si l’on mesure certaines de ces armes, elles peuvent dépasser les 60 cm, dès lors, tombent-elles dans la catégorie des armes longues qui semblent être maintenant plus crainte que les armes courtes? Le statut de l’arme sera-t-il différent, s’il s’agit d’un P.08 d’artillerie, de marine ou d’infanterie ??? A contrario, et par l’absurde, une AKSU ou un Scoripo et autre Ingram et micro-Uzi, deviennent-ils autorisés ou autorisables ?
D’autre part, le critère de « crosses courantes » semble fait référence à une antériorité à la disposition du 11/03/2010, cela veut-il dire que les modèles antérieurs au 11/03/2010, et plus exactement au 17/03/2010, date de la publication de l’arrêté ministériel, doivent être considérés comme crosses courantes ? Est-ce là le respect du critère « nouveau' » du point 16 de l’article 3 § 1 de la loi du 08 juin 2006, tel qu’il a été modifié par la loi du 25 juillet 2008 ? Quelle est la limite, quel est l’objet ?
Si, dès lors, les crosses ne sont pas visées, et si les modifications au canon, à la culasse ou à la glissière ne peuvent pas être visées de par l’application de la loi du 08/06/2006, que reste-t-il à prohiber ?
L’honnêteté commande de citer un ensemble de nouveaux produits qui permettent à certains pistolets modernes de se voir adjoindre non seulement une crosse plus ou moins longue par ailleurs, mais également une poignée complémentaire, voir un berceau dans lequel placer l’arme qui peut en modifier l’aspect à l’évidence.
Cela fait-il de l’objet légal, un objet prohibé ? Il semble que oui, de par l’arrêté ministériel de ce 11/03/2010.
Encore faut-il considérer qu’il y ait une modification de l’aspect général de l’arme, et là se pose une question à l’évidence, puisque l’arme en elle-même n’est pas modifiée et qu’aucune caractéristique technique ne l’est.
Dès lors, faut-il considérer que le port d’une lampe torche en dessous d’un pistolet modifie son aspect au point de tomber sous la catégorie visée par l’arrêté ministériel ? Qu’en est-il des chargeurs plus longs, faut-il considérer les dispositions de la loi du 08/06/2006, ou faut-il considérer les dispositions de l’arrêté ministériel du 11/03/2010 ?
L’adjonction d’une crosse sur certaines armes modernes, si ce modèle existait avant le 11.03.2010, est-il visé ? Qu’en est-il alors de la « nouveauté » exigée dans le point 16 de l’article 3 § 1 ?
Dans sa sagesse, la Cour constitutionnelle avait évoqué les limites intrinsèques à cette possibilité accordée à deux Ministres d’étendre les engins, armes et munitions prohibées. La Cour renvoyait sans doute au Conseil d’état, et très certainement au Juge, la possibilité de contrer un excès manifeste de pouvoir.
La problématique réside dans le fait que l’on va transformer le Juge en arbitre des dispositions de cet arrêté ministériel qui ouvre la porte à toutes les interprétations possibles et crée à nouveau une insécurité juridique absolue. En outre, il convient de rappeler les sanctions pénales attachées à la simple détention d’une arme prohibée. Ainsi, les dispositions de la loi du 08/06/2006 en son article 23 punissent l’infraction d’un emprisonnement d’un mois à 5 ans et d’une amende de 100 € à 25.000 €, outre des circonstances aggravantes. La question est donc très importante.
Enfin, l’exception des « crosses courantes » sans qu’il ne soit précisé à quoi cela fait référence, se veut éventuellement être respect du monde des collectionneurs, mais ne le dit pas explicitement, en manière telle que l’arrêté royal du 09/07/2007 publié le 02/08/2007, et dont l’annexe a été modifiée par publication en date du 04/04/2008 au Moniteur en page 18282, norme supérieure à l’arrêté ministériel, ne peut évidemment pas être modifiée par cet arrêté ministériel du 11/03/2010. Or, cet arrêté royal du 09/07/2007 comporte un ensemble d’armes permettant à l’origine l’adjonction d’accessoire, telle qu’une crosse qui amène nécessairement une modification de la longueur et transforme de facto l’arme de poing en petite carabine, ce qui pourrait être considéré comme une arme longue et ce qui pourrait alors amener un Juge à retenir le premier considérant de l’arrêté ministériel du 11/03/2010, en ce que manifestement cette crosse complémentaire permet : « […] de transformer un pistolet en arme à feu longue […] ». L’on objectera que la suite de la phrase du considérant, semble restrictif et respectueux de l’arrêté royal du 09 juillet 2007 en ce qu’il est dit : « […] avec l’aspect et certaines propriétés d’une carabine d’assaut », les armes d’assaut étant exclues de l’arrêté royal de 2007. Mais qu’est-ce une « carabine d’assaut » ? Si c’est une arme qui tire en « full-auto », elle est déjà prohibée par la Loi de 2006 ! Comment alors gérer le double critère : les accessoires donnant à une arme à feu : « certaines caractéristiques extérieures et propriétés techniques d’une arme à feu d’épaule ». Le critère étant cumulatif, quels seront ces « propriétés techniques », autres que celles visées dans la Loi de 2006 ? Qui les dira ? Qui en sera l’arbitre ?
En fait, seul l’aspect pourra être véritablement considéré, puisque par définition une arme de poing à laquelle il est adjoint à un accessoire quelconque, ne va certainement pas se transformer en ce qui est qualifié de carabine d’assaut et qui nécessairement, semble-t-il, doit être compris comme une arme permettant un tir non pas semi-automatique, mais bien automatique, ce qui est déjà visée par des dispositions particulières dans la loi du 08/06/2006 en son article 3 § 1 point 3, notamment. Il faudra donc apprécier la modification de l’aspect ! Selon quel(s) critère(s) ? La couleur intervient-elle ? Jusqu’où une certaine similitude opère-t-elle application de l’Arrêté ministériel de ce 11 mars 2010 ? Les armes factices, tombent-elles sous son joug, même si l’arrêté ministériel parle uniquement « d’arme à feu » ???
Il semble en outre qu’il y ait au moins un conflit possible entre l’arrêté royal du 09/07/2007, relatif aux armes de panoplie, et l’arrêté ministériel du 11/03/2010.
L’arrêté ministériel du 11/03/2010 comporte une autre curiosité. S’il est acquit que seuls les accessoires limitativement énumérés par la loi du 08/06/2006, telle que modifiée par la loi du 25/07/2008, sont soumis à autorisation, et que, dès lors, seule la liste des accessoires prohibés est véritablement modifiée par l’arrêté ministériel du 11/03/2010, on constatera alors que le conseil consultatif créé par l’article 37 de la loi du 08/06/2006 doit être consulté pour les pièces d’armes soumises à épreuve (article 35.3 de la loi du 08/06/2006) par le Ministre de la Justice, et que tel ne serait pas le cas pour faire basculer un ensemble d’objets du statut de pièces libres au statut d’armes prohibées !
Ainsi, pour qualifier de pièces soumises à autorisation, le Ministre doit prendre avis près le Conseil consultatif, mais pour les qualifier d’objets prohibés, il peut facilement s’en dispenser. Si l’on comprend que le législateur ait voulu faciliter une réponse en urgence à des engins, armes et munitions, tels que prévus par le point 16 de l’article 3 qui « fonde » l’arrêté ministériel du 11/03/2010, on ne comprend pas que par voie de disposition générale et abstraite, l’arrêté ministériel du 11/03/2010 puisse se permettre une telle liberté pour de simple accessoires.
On s’interroge en outre sur le « télescopage » entre l’article 33 de la loi du 08/06/2006 qui dispose : « Les dispositions concernant les armes à feu s’appliquent également aux pièces détachées soumises à l’épreuve légale, ainsi qu’aux accessoires qui, montés sur une arme à feu, ont pour effet de modifier la catégorie à laquelle l’arme est réputée appartenir ». Et l’arrêté ministériel du 11/03/2010 qui, en faisant basculer un ensemble indéfini de pièces dans la catégorie des pièces prohibées contaminant l’objet et le faisant lui-même prohiber, peut entrer en conflit évident avec les énumérations de la loi du 08/06/2006, telle que modifiée par la loi du 25/07/2008.
Qu’en sera-t-il de l’application de la hiérarchie des normes ? Qui va apprécier si tel accessoire ou objet est visé par la loi du 08/06/2006 ou par l’arrêté ministériel du 11.03.2010, tellement abstrait qu’il a une portée législative évidente ?
On se souviendra que le Moniteur du 29/12/2008 a publié une loi visant spécifiquement le Banc d’épreuves de Liège, et terminant une mission de définition. Nulle trace de référence à cette disposition dans l’arrêté ministériel du 11/03/2010. Ici encore, que se passera-t-il si le Banc d’épreuves qualifie de « crosse courante », tel ou tel autre accessoire qui serait visé par l’arrêté ministériel ?
Enfin, curieux arrêté ministériel qui, pris sur l’urgence, à la double signature de deux Ministres, s’insurge et s’inquiète de ce qui est vendu dans des bourses aux armes internationales se tenant dans : « les pays avoisinants » en oubliant par la même que les lois de police s’appliquent territorialement, et qu’à ce rythme-là, l’on pourrait également considérer la législation aux Etats-Unis ou encore celle au Japon et pourquoi pas d’autres pays ?
En fait, cet arrêté ministériel est le fruit d’une partie d’un mouvement politique anti-armes qui considère que la loi du 08/06/2006 est trop généreuse envers les amateurs d’armes, et tente de la grignoter par le biais d’une disposition tout à fait particulière, voulue par le législateur pour répondre aux besoins urgents et très particuliers relatifs non pas à des accessoires, mais à : « des engins, armes et munitions qui peuvent constituer un danger grave et nouveau. ». En aucun cas, les accessoires ne sont visés en cette disposition du point 16 de l’article 3 de la loi du 08/06/2006, relative à la classification des armes. C’est donc par le biais d’une bien curieuse « extension » de la loi qu’est pris cet arrêté ministériel du 11/03/2010. La Loi pénale de 2006, est-elle à ce point élastique ? L’avenir le dira.
Si la question était purement technique, elle n’intéresserait qu’accessoirement.
En réalité, cet arrêté ministériel crée une insécurité juridique très importante en permettant une interprétation extensive et en ouvrant la porte à une répression et à des sanctions extrêmement importantes à l’égard des citoyens.
Enfin, le principe juridique millénaire qui veut que « l’accessoire suive le principal », semble ne plus exister !
Yves Demanet
Avocat