Ces dernières années, différentes obligations en matière d’assurance ont été imposées aux professionnels de la construction. Par la loi du 31 mai 2017, les entrepreneurs, architectes et sous-traitants ont été obligés de souscrire une assurance pour couvrir leur responsabilité décennale dans certaines hypothèses. Plus récemment, la loi du 9 mai 2019 a contraint les professionnels réalisant des prestations intellectuelles à une obligation similaire. Ces lois visent deux hypothèses différentes mais se recoupent en de nombreux points.
L’assurance responsabilité civile décennale pour les immeubles d’habitation
La loi du 31 mai 2017, entrée en vigueur le 1er juillet 2018, édicte l’assurance obligatoire dans le cadre de la construction d’immeubles d’habitation. Tout entrepreneur, architecte ou sous-traitant intervenant sur le sol belge dans la réalisation d’une habitation ou d’une partie d’habitation, destinée totalement ou partiellement au logement d’une famille, avec l’intervention d’un architecte, et dont le permis d’urbanisme a été délivré après le 1er juillet 2018, peut être soumis à la loi s’il réalise ou intervient sur des travaux liés à la solidité, la stabilité et l’étanchéité du gros œuvre fermé de l’habitation. Sont donc exclus de l’application de la loi les travaux liés à des logements purement collectifs ou à des immeubles professionnels.
L’assurance en question couvre la responsabilité civile visée aux articles 1792 et 2270 du Code civil, pour une période de dix ans à partir de l’agréation des travaux, limitée à la solidité, la stabilité et l’étanchéité du gros œuvre fermé de l’habitation sauf pour certains dommages :
- des dommages résultant de la radioactivité;
- des dommages résultant de lésions corporelles suite à l’exposition aux produits légalement interdits;
- des dommages d’ordre esthétique;
- des dommages immatériels purs;
- des dommages apparents ou connus par l’assuré au moment de la réception provisoire ou résultant directement de vices, défauts ou malfaçons connus de lui au moment de ladite réception;
- des dommages résultant d’une pollution non accidentelle;
- des frais supplémentaires résultant des modifications et/ou améliorations apportées à l’habitation après sinistre;
- des dommages matériels et immatériels inférieurs à 2 500 euros. Ce montant est lié à l’indice ABEX, l’indice de départ étant celui du premier semestre 2007 et l’indice à retenir pour l’indexation étant celui du moment de la déclaration du sinistre.
Les exclusions prévues par la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances sont d’application.
L’assurance a une couverture par sinistre d’un minimum de 500.000 €, si la valeur de reconstruction du bâtiment est supérieure à ce montant, et égale à la valeur de reconstruction de l’habitation, si celle-ci est inférieure à 500.000 €.
L’assurance responsabilité civile professionnelle dans le secteur de la construction
Par la loi du 9 mai 2019, entrée en vigueur ce 1er juillet 2019, les architectes, les géomètres-experts, les coordinateurs de sécurité-santé et autres prestataires du secteur de la construction de travaux immobiliers doivent conclure une assurance responsabilité civile professionnelle. Tous ces métiers intellectuels, comprenant également les ingénieurs, les bureaux d’études, les certificateurs, les auditeurs, …, dont la responsabilité civile peut être engagée en cas de construction ou de rénovation d’un bâtiment ou une partie de bâtiment, sur une autre base que l’article 1792 du Code civil (garantie décennale), doit être couvert par une assurance. Cette assurance n’est dès lors pas limitée aux habitations familiales, contrairement à celle de la loi du 31 mai 2017.
Comme pour l’autre assurance, certains dommages peuvent être exclus. La liste précisée à l’article 5 comporte des similitudes et les exclusions de la loi du 4 avril 2014 sont d’application. Néanmoins, dans le cadre de cette assurance, il s’agit d’une possibilité et non d’une exclusion d’office et certains dommages complémentaires d’importance sont listés (à titre d’exemple : dommages résultant de l’inexécution totale ou partielle d’engagements contractuel)
La couverture doit être prolongée pour une période de trois ans après la cessation des activités et ne peut pas être inférieure, par sinistre, à :
- 1 500 000 euros pour les dommages résultant de lésions corporelles ;
- 500 000 euros pour le total des dommages matériels et immatériels ;
- 10 000 euros pour les objets confiés à l’assuré par le maître de l’ouvrage
Avec une limite annuelle de 5 000 000 euros, tous sinistres confondus.
Les obligations similaires contenues dans les deux lois
Ces règlementations contraints les assurés à un devoir de preuve et d’informations. Pour chacune de ces assurances, les assurés devront prouver, par une attestation, la souscription de l’assurance, sous peine d’amende (de 26 à 10.000 €). Une sanction complémentaire est prévue pour l’architecte dans le cadre de ses obligations prévues dans la loi sur l’assurance responsabilité décennale (article 19 de la loi du 31 mai 2017).
Cette attestation doit être transmise à première demande à tout intéressé et, pour l’assurance responsabilité décennale, sera transmise avant le début du chantier au maître de l’ouvrage et à l’architecte. Pour les entrepreneurs, l’architecte devra vérifier d’initiative ladite souscription pour l’assurance responsabilité décennale. Une telle obligation risque d’entrainer des mises en cause de responsabilité dans l’hypothèse d’une absence de vérification. Un parallèle peut être fait avec les vérifications des agréments de l’entrepreneur.
En application de l’article III.74 du Code de droit économique et des lois en question, les assurés devront informés dans leurs documents contractuels le nom et le numéro d’entreprise de l’assureur ainsi que le numéro de contrat d’assurance. Bien qu’aucune sanction civile ne soit prévue tant dans les lois que dans le Code de droit économique, la jurisprudence, considérant qu’il s’agit d’une violation de l’ « ordre public économique », applique des sanctions graves (dont parfois la nullité).
Les assureurs ont l’obligation de transmettre aux différents ordres un relevé des assurés ayant souscrits une assurance conforme à la loi. Cela permet un contrôle plus efficace sur la réalité de la souscription d’une assurance et ouvra la possibilité à d’éventuelles sanctions disciplinaires.
Il convient également de souligner que les attestations transmises au maître de l’ouvrage font partie des accessoires de l’immeuble. Le notaire désigné pour une vente devra vérifier la présence de ces attestations.
Les lois prévoient que chaque assurance pourra être modalisées sous différentes formes : assurance globale, individuelle, avec prime annuelle, …
Certes, ces obligations nouvelles sont lourdes pour les professionnels de la construction. Cependant, ces lois, en précisant les limites tant temporelles que matérielles des couvertures d’assurance et en mettant fin aux divergences par l’abrogation des législations propres à chaque profession, uniformisent les régimes et apportent la clarté nécessaire. Elles permettent d’apporter une sécurité juridique aux maîtres de l’ouvrage, qui étaient démunis face aux exclusions diverses des assureurs ou face à un professionnel en faillite non assuré.